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Les Ponts et Canaux de Martigues

Notes historiques

  La transaction du 3 des Ides de Janvier 1223 entre Raymond Béranger IV, Comte de Provence, et Hugues Béroard, Archevêque d’Arles, marque le début de l’urbanisation de la cité qui n’était jusque là que l’Isle Saint-Geniès et qui va s’étendre aux ferrages de Jonquières et Ferrières. Les pêcheries sont une source considérable de revenus. Le commerce profite de la position privilégiée de l’Isle Saint-Geniès entre mer et étang, dont les canaux et les ponts, qui assurent la communication de ce trafic, constituent les éléments essentiels.

  Dimanche 21 septembre 1533 : Le roi François Ier, sur la route de Marseille à l’occasion du mariage de son fils Henri avec Catherine de Médicis, fait étape à l’Isle de Martigues. Au passage de son cortège, le bois pourri du pont Saint-Geniest cède sous le poids du carrosse de Madame de Trans qui meurt noyée. Le roi manque tomber à l’eau et ne doit qu’à sa grande dextérité d’échapper à l’accident. Il faudra pourtant attendre 1550, et l’annonce de la venue d’Henri II, pour que les édiles prennent conscience de la nécessité de réparer les ponts. Grâce à la description des ponts dont la visite complète a été entreprise en 1550 et celle des canaux que l’on doit au rapport du Conseiller du roi De Paule en 1627, nous connaissons assez exactement la configuration des ponts et des canaux de Martigues aux XVI et XVIIème siècles. C’est ainsi qu’au fil des procès-verbaux de visite on découvre les neuf ponts pour autant de canaux que l’on devait franchir pour se rendre de Jonquières à Ferrières en passant par l’Isle.

L’activité essentielle de Martigues à cette époque est apportée par la pêche. Celle de l’art menu se déroule dans l’étang alors que le grand art s’exerce en mer sur les côtes de Provence et du Languedoc. Mais ce sont les bourdigues, ces enclos faits de claies de roseaux conçus pour que le poisson n’ait d’autre issue que la tour où le pêcheur viendra le capturer dans sa salabre, qui vont constituer le plus gros de la pêche. Ces pêcheries ne cesseront d’être une source de conflits entre leurs propriétaires, qui s’arrogent des droits exorbitants, et les pêcheurs indépendants soutenus par les Consuls de la ville.

  Les chicaneries sont permanentes et se règlent devant le Lieutenant de l’Amirauté mais le plus souvent devant la Cour des Trésoriers Généraux de France à Aix. L’affaire de Pradine va exacerber les antagonismes. Monsieur de Pradine, Conseiller du roi, propriétaire de nombreuses bourdigues avec leurs canaux et leurs ponts, refuse de procéder aux réparations des brèches qui se sont ouvertes au droit des ouvrages. Il faudra six ans et demi de procédures et de jugements qui nous font sourire aujourd’hui pour arriver à un accord amiable. Et pendant tout ce temps les habitants ont emprunté un pont menaçant ruine et un chemin à moitié éboulé !

  Mais c’est contre la famille Galliffet que ces conflits vont atteindre leur apogée. Cette famille qui acquiert la principauté de Martigues en 1772 prétend très vite s’arroger un droit absolu sur les eaux des canaux, s’opposant aux pêcheurs privés de leur ressource naturelle. Aux procès s’ajoute cette fois-ci la force. Celle des gardes de Galliffet qui font bastonner les contrevenants et les mettent à l’amende. Celle des pêcheurs qui mènent des expéditions pour démanteler les capoulières. De retour d’immigration après la Révolution, les Galliffet reprennent leurs droits, qu’en leur absence les Républicains ont exercés sans moins de vergogne. Les plaintes et les procès reprennent. Il faudra attendre 1908 et l’expropriation des derniers propriétaires des canaux et des bourdigues pour que soit mis fin à l’histoire des Galliffet qui ont pourtant laissé leur nom au principal canal de Martigues !

  Les ponts et les canaux vont connaitre de nombreuses vicissitudes, marquées par les accidents, notamment celui de la Sainte-Procession qui tombe à l’eau sous l’effondrement du pont-levis. L’inspection, par le bailli de Martigues, des maisons qui bordent les canaux révèle que beaucoup d’entre elles menacent ruine.
 
  Martigues connait sa première opération immobilière, faite sur le canal de Vauroux dès 1670. Au temps de la Ligue les événements se précipitent à la Tour de l’Horloge du pont Saint-Sébastien.
 
  Pendant des siècles l’état des ponts a nécessité des réparations allant jusqu’à leur reconstruction complète. Les rapports des experts aidés de leurs sapiteurs pour l’inspection des ouvrages, nous dévoilent au passage comment ils sont construits. Sous la conduite de l’homme-trompette qui rythme les opérations, les travaux de réparation sont mis aux enchères, avec des rebondissements spectaculaires.

  Mais l’ère des ponts en bois s’achève, une autre va s’ouvrir. Si Martigues semble agonir en ce milieu du XVIIIème siècle, on décèle quelques prémices à sa modernisation. Il faut pourtant attendre le milieu du siècle suivant pour qu’un projet majeur vienne bouleverser la configuration des canaux et des ponts de la ville, il s’agit du canal de navigation de Bouc à Martigues. Avec lui disparaissent les vieux ponts en bois et le pont-levis remplacés par un ouvrage d’une étonnante innovation : le pont tournant métallique de Ferrières dû à l’ingénieur Bernard, inauguré avec fierté en novembre 1861. Très vite les besoins maritimes et terrestres rendent nécessaire l’exécution d’un projet encore plus ambitieux, le canal de jonction de Marseille au Rhône. Avec lui la passe de Ferrières est abandonnée au profit de celle de Jonquières. Les travaux sont gigantesques. Ils effacent le plan de Meyran et le quartier de Venise. Même la pointe de Brescon, chère aux peintres, doit céder la place au chenal maritime. Le pont du Roi est remplacé par un nouveau pont tournant installé à Jonquières. Et puis ce sera le pont de Ferrières, que l’on voulait basculant et qui demeurera fixe en définitive, qui viendra se substituer au vieux pont tournant.

  Ce sont des hommes qui ont fait cette histoire des ponts et des canaux. Leur histoire dévoile leurs rêves, leurs oppositions, leurs innovations mais aussi leurs revers. Que devons-nous retenir de cette histoire ? Quelles leçons pouvons-nous en tirer pour demain ? Martigues reste une ville posée sur l’eau, mais qui peut prédire ce que sera sa configuration à la fin de ce siècle ?

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